On ne part pas tous avec les mêmes chances. Et pourtant, certains parviennent à atteindre le sommet à force de courage et de persévérance. C’est le cas d’Anas Daif, un jeune issu de quartiers prioritaires. Malgré son milieu social, il ne s’est pas laissé arrêter et a travaillé dur pour arriver à son objectif : le journalisme. Aujourd’hui, il anime deux podcasts en parallèle de ses études, dont un sur l’expérience des personnes racisées en France.
Anas Daif : il ne faut pas toujours écouter son entourage
Anas Daif fait toute sa scolarité dans le dix-neuvième arrondissement de Paris. Au collège, il remarque très vite que l’équipe pédagogique a tendance à envoyer ses camarades en bac pro. Lui échappe aux mailles du filet et souhaite partir en L.
Mais ses parents ne sont pas de cet avis. Immigrés marocains, ils veulent que leur fils devienne médecin et aille en S, ce qu’Anas Daif refuse. Il finit par obtenir gain de cause et obtient un bac L.
À cette époque, Anas Daif veut absolument étudier le droit anglo-américain. Comme ses résultats sont excellents, ses professeurs l’orientent cependant vers une prépa littéraire, qu’il arrête après un an. Il s’inscrit enfin en droit… et c’est la douche froide. Dès le début, il déteste et ne s’y sent pas du tout à sa place.
Anas Daif se retrouve donc à travailler dans la station-service où son père est caissier. Par hasard, il découvre la licence Information-communication, une filière pluridisciplinaire qui propose notamment des cours de journalisme, domaine qui l’intéresse beaucoup. Ni une, ni deux, il s’inscrit. Cette fois, c’est la révélation, il a enfin trouvé sa voie et il termine sa licence avec une mention très bien.
Alors qu’il est en master, il tombe sur un partenariat du Bondy Blog de l’école supérieure de journalisme de Lille. L’établissement propose la prépa « Égalité des chances », une aide à la préparation aux concours d’entrée en école de journalisme qui prend en charge tous les frais d’inscription, de déplacement et de logement.
Admis avec dix-neuf autres candidats, Anas Daif entre à l’école supérieure de journalisme à Lille et effectue une alternance à France 3. Un beau parcours dirons-nous, mais qui ne s’arrête pas là. En effet, le jeune homme de vingt-cinq ans s’est également lancé dans le podcast.
À l’intersection : donner la parole aux concernés
En 2019, le podcast est un format en plein essor. Anas Daif en écoute et aimerait lui aussi se lancer. Mais que pourrait-il bien raconter ? À cette époque, la polémique du racisme anti-blancs enflammait le Web. Sans trop savoir ce que ça donnerait, Anas Daif enregistre un épisode pilote sur ce sujet. C’est le début du podcast « À l’intersection ».
Ce nom n’a d’ailleurs pas été choisi au hasard. Il découle du principe d’intersectionnalité, théorisé par la chercheuse américaine Kimberlé Crenshaw à la fin des années 80. Ce terme explique qu’un individu est un mélange de multiples identités. Par exemple, une femme noire, musulmane et handicapée est traversée par trois identités qui peuvent chacune être source d’oppression dans un contexte donnée. Elles créent alors des situations de discrimination spécifiques.
À la recherche d’un fil rouge, Anas Daif qui a longtemps entendu parler de violences policières autour de lui, est particulièrement sensible à celle d’un jeune motard blessé à la jambe par des policiers à Villeneuve-la-Garenne. Il décide à ce moment-là de donner la parole aux personnes concernées pour qu’elles puissent s’exprimer sur leurs problématiques à elles.
Le podcast « À l’intersection » connaît un franc succès, avec un record de 20 000 écoutes en moins d’un an !
Bibliotieks : lire et faire lire les gens
Dans les banlieues et les quartiers populaires, les jeunes et les gens en général n’ont pas toujours un accès direct à la culture. C’est en tout cas le constat qu’a fait Anas Daif avec son propre vécu. Il a donc décidé de lancer un second podcast, « Bibliotieks ».
Cette fois, les épisodes sont dédiés à des livres qu’il a lus et qu’il a envie de faire découvrir aux auditeurs. Ces fiches de lecture à l’oral ont pour vocation de faire lire les gens, mais également de leur donner les clés de compréhension du monde qui les entoure. De plus, Anas Daif souhaite leur transmettre les outils et les armes idéologiques pour pouvoir débattre et défendre leurs idées et leurs valeurs.
Grâce à ce podcast, Anas Daif se force à lire, et il a atteint à rythme d’un livre par semaine. Un avantage non négligeable pour son métier, mais aussi pour son podcast « À l’intersection ». En effet, plus on lit, plus son langage évolue, se perfectionne, s’aiguise. On devient plus pertinent dans ses analyses, et c’est le meilleur moyen justement de diffuser ses pensées et ses principes.